La satisfaction manifestée par Jean Louis Borloo au regard du succès du grenelle au point d’en faire un argument de vente pour sa candidature à Matignon laisse plus que rêveur… Il me fait penser au miel que l’on donne en même temps qu’un purgatif. Il le fait « passer » mais à la fin il ne reste que la purge.
Certes, le grenelle dans sa conception a été un remarquable succès. Mais la réalité est toute autre.
Tout d’abord, à supposer que l’immense usine à gaz que constituent les 2 lois Grenelle soit l’instrument de mesure du succès, le rapport d’évaluation qui vient d’être rendu public et réalisé par des « défenseurs du grenelle » (puisque responsables de groupes de travail) n’est pas si brillant. Il en va d’autant plus qu’il retient dans les engagements réalisés (18%) l’augmentation rapide des filières éoliennes et solaires. Les professionnels apprécieront.
Ensuite, parce qu’il ne s‘agit pas seulement de pondre des centaines de textes dont certains concernent des sujets très mineurs ou ne changent quasiment rien au droit car ils ne sont pas normatifs. Il s’agit de savoir ce qui change réellement. Or, en dehors du bâtiment , rien n’a réellement changé sur les points majeurs : la faiblesse des ENr et des politiques d’efficacité énergétique pour cause de tout-nucléaire, (nous sommes toujours à 13% d’ENr alors que nos engagements communautaires prévoyaient 20% en 2010) la volonté de continuer à favoriser la route, le camion et la construction automobile au détriment du rail, notamment le fret, la pollution de l’air et notamment des particules fines pour laquelle une action vient d’être engagée contre la France par l’union européenne, la fiscalité verte parmi les plus minables d’Europe etc….l’expertise ne s’est guère améliorée quoiqu’on doive noter un net progrès de l’ANSES par rapport à l’AFFSA et il n’est question ni des lanceurs d’alerte ni d’une vraie responsabilité des sociétés mères pour leurs filiales que j’avais proposé dans un rapport mis au placard dès qu’il est sorti.
En définitive, c’est sans doute l’affaire du conseil économique, social et environnemental qui illustre le mieux l’opération d’enfumage à laquelle nous assistons.
La transformation du vieux CES pour en faire un véritable outil de démocratie participative avait été suggéré par Robert Lion comme par moi-même. Le Grenelle a limité ses ambitions à la nomination de représentants du monde environnemental par 33 membres, les 15 « personnalités qualifiées » choisies par le Premier ministre, ainsi que 4 représentants des usagers de la nature (chasseur et pêcheurs) et 14 représentants des ONG environnementales (France Nature Environnement, la Fondation Nicolas Hulot, la Ligue pour la protection des oiseaux, les Amis de la Terre, la Ligue ROC, le Réseau action climat et Surfrider Foundation Europe). On observera que Greenpeace France et WWF France ont été exclues. Mais, le comble est dans le choix des 15 PQ dont 4 ont une compétence (très majoritaire de surcroît) en matière d’environnement. Si on exclut les représentants de Suez et Veolia, qui ont une compétence mais devraient siéger dans un autre collège, les autres n’ont aucune compétence, voire se sont manifestés contre l’environnement et bénéficient d’un renvoi d’ascenseur pour une raison ou pour une autre.
Autrement dit, tout change pour que rien ne change.