De la Pologne à la Pennsylvanie, Lech Kowalski met à jour le fossé entre le discours des industriels et la réalité de l'exploitation du gaz de schiste. Un film coup de poing.
Zamosc, en Pologne orientale : au hasard d'un tournage dans cette région rurale, Lech Kowalski rencontre en 2009 des paysans sur les terres desquels de grandes firmes américaines ont commencé à prospecter pour
extraire du gaz de schiste. Fissures dans les murs des fermes, pollution des eaux, bulldozers investissant des champs à quelques dizaines de mètres des habitations... Les villageois sont inquiets. Or cette situation locale n'a rien d'anecdotique et témoigne d'un phénomène qui menace aujourd'hui toute la planète. Bradford County, aux États-Unis, est au gaz de schiste ce que l'Arabie Saoudite est au pétrole. Mais on est loin de l'image idyllique d'une "énergie non conventionnelle" propre et d'exploitation aisée que veulent donner les industriels. Dans ce petit comté du nord-est des États-Unis, le réalisateur filme des paysages dévastés et l'épuisement physique et psychologique des habitants...
Combat inégal
Cinéaste underground, passionné par les groupes à la marge (les SDF dans Rock soup, les punks dans Born to lose) et les grandes tragédies de l'histoire européenne (Hitler's highway), Lech Kowalski s'aventure ici dans les profondeurs de la campagne polonaise. Il dépeint le combat inégal de petites gens victimes de contrats léonins, pour la sauvegarde de leurs villages, de leurs maisons, de leurs exploitations agricoles, de leur eau et de leur santé - et qui remportent quelques victoires inattendues. L'enjeu est de taille : la Pologne voit dans cette énergie nouvelle une promesse d'indépendance vis-à-vis du gaz russe. À l'instar du travail d'investigation entrepris il y a deux ans aux États-Unis par Josh Fox dans Gasland - disponible en DVD chez ARTE Éditions -, ce documentaire constitue une mine d'informations sur les pratiques des compagnies de forage et sur les conséquences de cette exploitation sur la vie quotidienne des Européens.
Le documentaire devrait être suivi d'un débat.
Accéder à notre dossier Gaz de Schistes http://cap21lorraine.hautetfort.com/dossier-gaz-de-schistes.html
Commentaires
Un documentaire édifiant, bien que relativement sobre (qualité à mentionner dans des domaines qui, souvent, n’hésitent pas à utiliser le « choc des photos »...)
Trois points en ressortent :
1) Les dégâts écologiques spécifiques sous la forme de pollutions prolongées des nappes phréatiques, et de fuites de méthane difficiles à maitriser, qui viennent s’ajouter aux dégâts non-spécifiques liés à l’exploitation ultérieure d’une énergie fossile,
2) La détermination sans limite, et éventuellement hors-la-loi, des sociétés pétrolières (ici Chevron) quand il s’agit de faire des profits,
3) L’efficacité, malgré tout, de la protestation des associations face à ces grandes sociétés qui craignent, plus que tout, d’être démasquées dans leurs comportements pollueurs sinon délictueux.
A entendre les participants au débat, aucune méthode alternative d’extraction ne parait se profiler à l’horizon… mais sur cette question ils paraissaient plutôt jouer la carte de la diabolisation. Il n’en demeure pas moins qu’en attendant la mise au point d’une hypothétique méthode d’extraction respectueuse de l’environnement , seuls un moratoire général et une interdiction de tous les permis d’exploration accordés permettront d’éviter d’ouvrir une boite de Pandore… que bien des américains et des polonais aimeraient pouvoir refermer !