Le 4 février 2013, Delphine Batho s’est rendue à Bure (Lorraine) sur le futur site d’enfouissement des déchets nucléaires à « vie longue », géré par l’ANDRA, dans le cadre du projet CIGéo. Cette visite a été l’occasion pour un certain nombre d’associations écologistes (Cedra, Sortir du nucléaire, Cap21, Mirabel, Bure stop !, Eelv) de manifester leur opposition à ce projet.
Après sa visite, la ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie a déclaré que « le stockage en couche géologique profonde était la solution la plus responsable vis-à-vis des générations futures ». Elle soutient donc le projet de l'ANDRA (Agence nationale de gestion des déchets radioactifs), tout en réaffirmant trois principes : 1) démocratique, 2) de transparence (auxquels répond le débat public actuel), et 3) de réversibilité... sur lequel elle s’est peu étendue.
De leur côté, diverses associations étaient présentes pour faire entendre leurs motifs d’inquiétude ou de colère :
- La priorité donnée à l’élimination des déchets, qui risque de créer un appel d’air en faveur du nucléaire, alors que l’urgence est au développement des énergies renouvelables,
- Le risque environnemental d’un projet qui prévoit, durant une première phase de 40 ans (refroidissement en surface), le relargage dans l’atmosphère de nucléides radioactifs, avant l’enfouissement proprement dit (pour des milliers d'années...),
- Le risque d’accident, jamais à exclure dans une zone de sismicité non nulle et pour un procédé, encore jamais exploité en France, qui produit de l'hydrogène.
- Les limites du principe de réversibilité, pourtant imposé par la loi.
Le principe de réversibilité
La loi de 2006 prévoit un "stockage profond réversible", pendant une durée minimale de 100 ans, avant l’obturation définitive des galeries. Une nouvelle loi (2015) fixera les modalités définitives de cette réversibilité.
Ce principe de réversibilité, voulu par le législateur en 2006, a plusieurs objectifs :
- Permettre un meilleur contrôle des opérations d’enfouissement,
- Rendre possible le choix d’une autre filière d’élimination des déchets, si les progrès de la science le permettent,
- Faciliter la gestion de crise en cas d’accident,
- Permettre une valorisation différée des déchets si une méthode apparait.
Conformément à ses obligations, l’Andra s’adapte à la loi, mais de nombreux indices font penser qu’elle le fait « à reculons » et qu’elle tente d’influencer la rédaction du texte futur, prévu pour 2015. De manière récurrente, son Président et sa Directrice s’expriment, en effet, de façon ambigüe sur le sujet :
- Le contenu juridique de la notion de réversibilité serait flou et nécessiterait d’être précisé,
- Les contraintes techniques et financières sont présentées comme très lourdes,
- Réversibilité et sûreté sont présentées comme antinomiques,
- Les obligations liées à la réversibilité devraient être révisables régulièrement etc…
Ces déclarations (rapport de l’Andra, rencontre avec la commission parlementaire etc…) dégagent un sentiment de mauvaise compliance à la loi et de « service minimum », sinon maintenant, du moins pour l’avenir. On peut même évoquer une sorte de lobbying administratif, visant à peser sur le Parlement pour revoir à la baisse les obligations futures.
Au total, lorsque Delphine Batho, après une visite éclair du site de Bure se déclare favorable au projet CIGéo (Centre industriel de stockage géologique), on se demande si les dirigeants de l’Andra ne la « mènent pas en bateau », eux qui font tout pour enterrer le principe de réversibilité… comme ils enterrent leurs déchets !
Dans le contexte de la transition énergétique, quelques principes-phares doivent éclairer la gestion des déchets nucléaires :
- L’objectif, à moyen terme, est d’annuler progressivement leur production,
- Les déchets accumulés d’ici-là devront être « éliminés » de façon respectueuse de l’environnement,
- Dans l’attente d’une méthode totalement sûre, la meilleure solution est de les enfouir en sub-surface de façon à en conserver la maitrise,
- Si le projet CIGéo devait être poursuivi, le principe de réversibilité pendant 100 ans devrait être strictement respecté, sans considération de coût ni de complications techniques, car l’enjeu écologique est prioritaire.
Cap21 Lorraine