NUCLÉAIRE - Une grande part des difficultés économiques que rencontre notre pays vient du secteur nucléaire, qu'il s'agisse de notre balance commerciale ou de notre développement industriel ou encore des coûts et de la précarité énergétique.
Les exportations moins stimulées, le pétrole toujours présent
Sur le plan de notre balance commerciale, si le secteur nucléaire a durant un temps dopé nos exportations, il n'en n'est plus ainsi depuis longtemps et nous consommons toujours autant de pétrole. Aucun EPR n'est vendu et ne risque de l'être compte tenu de l'enlisement des chantiers finlandais et français. Échecs successifs à Abu Dhabi, aux Emirats arabes Unis, aux Etats Unis et en Tchéquie. Quant aux partenariats avec la Chine, à la condition qu'ils ne nous dépossèdent pas de notre patrimoine immatériel (brevets), quelles seraient les retombées pour notre commerce extérieur?
Sur le plan industriel, la situation est encore plus grave
L'industrie nucléaire est arrivée à tuer dans l'œuf tout développement massif des ENr, empêchant toute filière nationale puissante de voir le jour. Non seulement la France sera dans l'impossibilité de respecter son objectif de 23% d'ENR en 2020, s'exposant à des sanctions financières, mais encore, elle perd chaque jour un peu plus la possibilité de créer et développer ses entreprises dans les ENr.
12.000 emplois ont été volontairement sacrifiés par le gouvernement Sarkozy et les efforts actuels sont dérisoires et n'ont en aucune manière l'ambition de rattraper le temps perdu. Or, c'est en libérant ce secteur et en encourageant les particuliers et les entreprises à se doter d'ENr que les industriels pourraient voir leur marché croître... sauf qu'il n'en n'est pas question. Les ENr sont condamnées à rester anecdotiques en France parce que le choix nucléaire exclut toute autre solution.
Les investissements en RD se font toujours massivement dans le nucléaire (ITER, ASTRID) et non dans les technologies indispensables que sont le stockage de l'énergie, le développement des éoliennes d'une nouvelle génération, ou les progrès dans le solaire. Quant à des choix simples comme la généralisation de la méthanisation dans l'agriculture, l'interdiction du chauffage électrique et l'obligation de doter toute construction nouvelle d'un chauffage à base d'ENr, ils sont bannis. Ce serait pourtant des solutions simples et économiques.
Les mêmes constats peuvent être formulés à propos de la réduction de la consommation énergétique qui n'est nullement encouragée, le comble étant les compteurs Linky, payés en définitive par l'usager mais qui serviront principalement EDF et non le consommateur.
Les situations financières d'EDF et d'Areva sont plus que préoccupantes
EDF vient d'exiger 5 Mds d'euros de l'Etat, qui bien évidemment manqueront ailleurs. L'EPR est en passe de devenir un gouffre financier. Flamanville, qui tangente désormais les 9 mds d'euros, est déserté par le partenaire d'EDF, ENEL contraint de surcroît à lui rembourser la bagatelle de 610 M d'euros. Et qui va assumer la différence entre le prix de revient et le coût de l'EPR construit par Areva en Finlande (9Mds) et des 2 EPR construits en Chine a moitié prix.
Le projet anglais -avec un prix de rachat minimum de 10 cts d'euros qui n'est pas encore accepté par le gouvernement britannique- risque de se transformer en Trafalgar.
En effet, non seulement le partenaire d'EDF, Centrica, s'est retiré en raison de la hausse des coûts et des retards accumulés, mais encore le projet d'enfouissement des déchets radioactifs dans le comté de Cumbrie patine alors que dans la législation britannique, la solution pour les déchets est un préalable à la délivrance de l'autorisation de construction d'un réacteur. EDF va investir 9Mds en Grande Bretagne pour réaliser ces EPR. Que se passe-t-il en cas d'échec et combien l'usager et/ou le contribuable vont-ils devoir payer?
Le coût exorbitant du nucléaire va plomber durablement le prix de l'énergie
En effet, le prix de l'électricité va monter sauf que cette hausse va désormais être très largement le fait du nucléaire qui sera plus cher que l'éolien terrestre -les courbes sont en passe de se croiser en Allemagne- et sans doute le solaire va suivre (le prix du nucléaire augmente quand le prix des ENr baisse). Et ce coût va devenir insupportable pour de nombreuses raisons.
Tout d'abord, la dizaine de milliards dépensée par EDF pour sa politique d'acquisition internationale s'est faite au détriment des citoyens français puisqu'il n'y a quasiment pas eu d'investissements durant 15 ans ni dans les centrales ni dans les réseaux, comme le souligne la Cour des Comptes dans son dernier rapport. C'est l'usager qui va devoir payer pour cette stratégie calamiteuse qui a conduit en 2012 à une baisse importante de production, qui a coûté plusieurs centaines de millions d'euros.
En second lieu, les problèmes de sécurité dans les centrales deviennent préoccupants, ce qui a deux catégories de conséquences. D'une part, un besoin d'investissement énorme, probablement de l'ordre de 7 à 10Mds qu'il va falloir payer pour une situation qui ne donnera pas toute garantie de sécurité. D'autre part, la prise en considération croissante d'un risque d'accident, ce qui pose la question de l'assurance.
Jusqu'à présent, EDF a obtenu de retarder l'obligation qui lui était faite de monter l'assurance de la somme ridicule de 6 M à celle de 700 M. L'exploitant va enfin devoir régulariser cette situation. Mais cette somme est sans aucune relation, pas plus que celle du plafond global actuel de 1,5MDS d'euros pour un accident nucléaire évalué par l'IRSN à 400 MDS d'euros. D'où l'idée de supprimer dans les contrats de RC la clause d'exclusion d'accident nucléaire, ce qui revient à obliger les citoyens à s'assurer et donc à payer pour se couvrir. Sauf que la prime risque d'être colossale ou la couverture minimale!
Enfin, le fait que beaucoup de nos concitoyens n'aient d'autre choix que le chauffage électrique, beaucoup plus cher, les rend otages d'EDF. Et le pire est que cela continue puisque le chauffage électrique continue à être encouragé alors qu'il devrait être interdit.
Dès lors, bien loin de la propagande officielle d'une énergie nucléaire bon marché et moteur de l'économie française, elle devient un handicap pour notre développement économique et un gouffre financier pour nos concitoyens usagers et contribuables.
Corinne Lepage
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