Reporterre.net - Le gaz de couche est présenté comme un atout économique dans le Nord et en Lorraine. Mais son impact environnemental est très lourd pour un gain économique et d’emploi très limité.
C’étaient des terres de mines : le Nord Pas de Calais, la Lorraine, l’Ardèche, toutes ces régions ont souffert durant plus de cent ans, payant un lourd tribut, enrichissant les sociétés propriétaires. On croyait le chapitre clos, c’est ce qu’on a dit lorsque la dernière mine de charbon de France, celle de la Houve, a fermé en avril 2004, mais de nouveaux pillards ont surgi. Ils forent à répétition les terres étasuniennes, australiennes, polonaises et veulent maintenant nous faire subir le même sort.
Le gaz de couche, habilement maquillé en gaz de houille, qui a meilleure mine car toujours présent dans le subconscient de la population minière, suscite de nouvelles convoitises.
C’est du CH4, du méthane, déjà extrait du schiste par la fracturation hydraulique. Le même méthane qui fuit des anciennes mines, appelé « grisou » et qui fait l’objet de captation sécuritaire. Le même méthane qui émane des marécages en raison de la décomposition des matières végétales. Le même qui résulte des fermentations digestives des bovins, en surnombre, mais aussi des pets humains. C’est surtout le même qui est piégé en quantité considérable dans le pergélisol sibérien, lequel est en train de fondre en raison du changement climatique.
Il se perd dans l’atmosphère s’il n’est pas brûlé, et sa capacité d’effet de serre est vingt fois plus élevée que celle du CO2, le gaz carbonique.
Le gaz de couche est une énergie fossile, qu’il faut aller extraire par « forage destructif au rotary » à 1500 m de profondeur (technique utilisée par la société EGL). L’homme ne sait plus faire autrement que brûler, brûler et encore brûler de l’énergie pour quelques besoins primaires, mais surtout pour quantité de « besoins » futiles, voire inutiles.
Alors que des projets de captation du CO2 excédentaire, résultant de l’utilisation d’énergie fossile pour l’activité humaine sont en cours, nécessitant des sommes faramineuses, des sociétés investissent encore dans la recherche et l’exploitation de méthane. Totalement contradictoire.
Un seul forage d’exploration coûte 1 900 000 € par puits, monopolise 5 000 mètres carrés de terres agricoles, génère 30 500 m3 de méthane dispersés dans l’atmosphère ou brûlés en torchère, produit des eaux d’exhaure contenant métaux lourds et radionucléides (arsenic, chlore, strontium, baryum), nécessite quantité de déplacements d’engins et de camions, et ne génère semble-t-il que 0,8 emploi par puits.
Si l’exploration se révèle intéressante, une exploitation industrielle de ce gaz est prévu, et c’est alors cent-quatre-vingt puits qui seront forés pour une production durant... cinq à neuf ans, dans des campagnes non encore industrialisées.
Comment se fait-il que personne ne parle de cela ? Les dossiers ne sont pas lus par les personnes ayant autorité au sein des pouvoirs publics, les sociétés demandeuses de permis bénéficient de leur confiance, et leurs vérités, même tronquées ou maquillées, sont seules entendues. Les mots magiques ouvrant toutes les portes, sont « création d’ emplois », mots devenus arme de guerre d’élus en mal d’électeurs, pourtant ils sont rarement vrais.
Le temps est peut-être venu de sortir du XXè siècle, pour enfin aborder ce tournant de notre Histoire, sortir des énergies fossiles, parier sur la sobriété, changer de paradigme, avec les citoyens, premiers concernés : Penser global, agir local.
Source : Courriel à Reporterre.
MARIE-NOËL STEPHAN (COLLECTIF LORRAIN STOP GAZ D’HYDROCARBURES)